11 avr. 2012

Paranroizeuses

« Il s'agissait sans doute d'un de ces termes dont on ne connaît le sens que lorsqu'on a fait son service militaire, lorsqu'on est un adulte, une grande personne capable de comprendre les calembours, un homme ayant accès à tous les mots, et notamment, aux « gros mots ». Pourtant, je savais bien qu'il ne s'agissait pas là d'un gros mot. Tout au plus quelques gros mots s'étaient-ils faufilés à travers les murmures...
Tel que je l'entendais, ce terme faisait un peu le bruit de pluie que font les arroseuses ; il avait quelque chose de déteint ou de rouillé ; pourtant, d'étincelant aussi, comme les pointes anciennement dorées qui coiffaient chacun des hauts barreaux dont l'échelonnement parallèle constituait la grille de l'octroi. Mais un si vague étincellement, une dorure si rongée d'humidité et si déchue qu'autant vaudrait parler de mouchetures sidérales à propos des protubérances métalliques qui saillent hors du cuir de semelles cloutées. D'un côté, il y avait un miroitement susceptible d'orienter l'esprit vers les choses les plus nobles : tout ce qui participe des tournois, des rois et des chefs francs hissés sur le pavois ; de l'autre, il y avait l'endroit coassant et fangeux dans lequel s'embourbe la même diphtongue oi : tout ce qui fait culotte de zouave, patois patoisant et ouailles de la paroisse de Fouillis-les-Oies. »
(Michel Leiris, Biffures)


(Chacun son grain de sable.  Dans ma chaussure, le caillou se déguisait en "rose qui avait déclose sa robe", affrontée à ma stricte discipline du PP !)